9 | 2016 – Voyageurs et naturalistes
Dans leur intention de dominer mais aussi de connaître, les Européens ont cherché d’emblée à embrasser toute la réalité américaine avec laquelle ils entraient définitivement en contact suite aux premiers voyages de Christophe Colomb.
Après les missionnaires voyageurs et, parfois, naturalistes, comme ils pouvaient être (ou devenir), de surcroît, linguistes et historiens, aux XVIe et XVIIe siècles, le XVIIIe siècle donna naissance aux voyageurs naturalistes proprement dit. Linné et Buffon, parmi d’autres, mettaient à l’honneur le classement du vivant dans un esprit universaliste qui contribua à une sorte de nouvelle « découverte » de l’Amérique. Celle-ci, parmi d’autres contrées, devint le terrain de voyages scientifiques officiels ou privés, de récoltes de spécimens, d’explorations nouvelles et/ou plus précises, d’interrogations et d’affirmations, parfois fort péremptoires, où s’affichait le sentiment de supériorité des nations éclairées. Au début de la période contemporaine – ayant pour point d’articulation la figure de Humboldt, pour les américanistes–, les voyageurs deviennent plus savants mais demeurent peu spécialisés : ils sont historiens, géographes, anthropologues, juristes, économistes, naturalistes, physiciens, mathématiciens et linguistes. L’histoire naturelle, mais elle n’est pas la seule, en s’attachant à décrire le plus précisément possible, dans la langue du voyageur ou bien en latin, les objets et sujets rencontrés, devient alors un outil d’appropriation symbolique de la nature indigène et, de fait, se mue en un corollaire de la colonisation. Utiliser le système de classification de Linné, en disqualifiant au passage la connaissance séculaire qu’avaient les populations indigènes de leur environnement, c’est « civiliser » une nature que les Européens associaient au chaos, à l’inconnu.
Le dossier de ce numéro se propose d’explorer quelques moments de ces transactions culturelles autour de la diversité biologique, des populations et des vestiges américains dans lesquels certains cherchaient encore des preuves attestant la véracité du récit biblique.
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Introduction [Texte intégral]
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Varia