Ce numéro explore les « poésies performatives », entendues comme des pratiques qui mobilisent plusieurs médiums, impliquent une action du poète et/ou de l’auditoire et retentissent ainsi dans l’espace public et médiatique. Ce volume comporte deux productions inédites des artistes Cristian Forte et Florence Jou qui mêlent texte, son, photo et vidéo ; un entretien avec la performeuse activiste Dinha ; et sept articles de chercheuses et chercheurs de plusieurs disciplines, consacrés à la poésie orale, au slam, à la chanson et la poésie militantes, à la performance scénique, à la vidéopoésie et à la poésie expérimentale des (néo-)avant-gardes. Ces corpus protéiformes, issus de trois continents, du début du xx^e siècle à aujourd’hui, sont abordés selon des approches comparatiste, intermédiale et anthropologique. Ils manifestent l’éclatement des frontières entre les disciplines artistiques et le décentrement du livre (et non son exclusion), qui n’est plus un aboutissement mais un des éléments de dispositifs associant performance en direct, reproduction différée et texte publié. Par la diversification des contextes et des supports de production et de diffusion, les poésies performatives questionnent les codes, les genres et les canons littéraires et artistiques. Elles donnent corps aux voix minoritaires issues de peuples anciennement colonisés, de catégories sociales marginalisées et de groupes opposés aux pouvoirs en place, réaffirmant ainsi la vocation éminemment politique de l’action poétique dans nos sociétés contemporaines à la fois hyperconnectées et extrêmement divisées.

This journal issue looks at ‘performative poetries’, understanding them as practices that both use several media and involve an action by the poet and/or the audience, and which thus dynamically resonate in public and mediatic space. The volume includes two original pieces by artists Cristian Forte and Florence Jou which combine text, sound, photography and video; an interview with performer and activist Dinha; as well as seven research articles from different disciplines that focus on oral poetry, slam, protest songs and written poetry, stage performances, video-poetry, and (neo‑)avant-garde experimental poetry. These multifaceted works coming from three continents range from the early 20th century to the present day, and are approached from comparative, intermedia, and anthropological perspectives. They illustrate the blurred boundaries between artistic disciplines, as well as the decentered position (rather than the exclusion) of the book, which is, thus, no longer the final result but one element among others in apparatuses that combine live performances, recordings, and published texts. Because they diversify contexts and devices of production and publication, performative poetries question literary and artistic codes, genres, and canons. They convey the minor voices of formerly colonized peoples, of marginalized social categories, and of groups that oppose existing power structures. They therefore reaffirm the eminently political horizon of poetic action in our hyper-connected and extremely divided contemporary societies.